La pandémie de COVID-19 a accéléré l’expansion de l’autosoin en créant des conditions d’urgence qui ont permis de lever certains des obstacles habituels aux soins de santé. Alors que nous faisions face aux défis du système de santé mondial – interruptions des chaînes d’approvisionnement, pénuries de personnel de santé, limitations des déplacements et inégalités en matière de produits et de services médicaux – nous avons également constaté les nombreuses manières dont les personnes et les communautés pouvaient se montrer résilientes, tandis que le personnel de santé, les politiques de santé et les systèmes de santé s’adaptaient. PRB a contribué à rendre l’autosoin sûr et disponible, en particulier en Afrique francophone de l’Ouest et du Centre, où nos partenariats aident à améliorer le dialogue et la communication politiques pour promouvoir les approches d’autosoin.
La prolifération des approches d’autosoin pour améliorer les résultats en matière de santé répond aux lacunes des services révélées par la pandémie. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit l’autosoin comme la capacité des individus, des familles et des communautés à promouvoir la santé, à prévenir les maladies, à rester en bonne santé et à faire face à la maladie et au handicap avec ou sans l’accompagnement d’un prestataire de soins.[i] Cette définition fait de l’autosoin une composante essentielle des systèmes de santé, un moyen solide de promouvoir les soins de santé primaires et une étape clé pour la réalisation de la couverture sanitaire universelle. Une adoption plus large des approches d’autosoin peut aider à renforcer la résilience systémique pour les chocs futurs.
Le pouvoir d’action individuel est au cœur de l’autosoin. La vie économique et reproductive des femmes a été touchée de manière disproportionnée par la pandémie, car elles ont moins accès aux systèmes de protection sociale et moins de capacités à absorber de tels chocs. Les approches et les outils d’autosoin, tels que les contraceptifs auto-injectables ou l’autogestion de l’avortement médicamenteux, offrent aux femmes un meilleur contrôle de leur vie, ainsi qu’un accès aux soins de base et davantage de dignité pendant les crises humanitaires. Cependant, l’environnement politique et réglementaire de l’autosoin est souvent limité. En Afrique francophone de l’Ouest et du Centre, bien souvent, les femmes en âge de procréer ne peuvent pas accéder aux services dont elles ont besoin, freinées par les facteurs de stress de la pandémie de COVID-19, les défaillances des systèmes de santé, l’éloignement des établissements et les normes sociales qui influencent les choix en matière de santé reproductive. En outre, cette région est l’une des plus vulnérables aux changements climatiques et présente des taux de natalité parmi les plus élevés au monde, deux problèmes exacerbés par des conflits répétés.
PRB a des partenariats solides avec des gouvernements et la société civile dans toute la région, et apporte à la fois expérience et innovation dans l’espace émergent de l’autosoin. L’une de nos forces est notre capacité à initier et à maintenir le dialogue politique. PRB est un des fondateurs du Groupe des pionniers de l’autosoin au Sénégal, qui développe la communication, la sensibilisation et le plaidoyer pour soutenir les interventions d’autosoin au sein du système national de soins de santé. Nous avons également travaillé avec le ministère de la Santé du Sénégal, ainsi qu’avec des organisations nationales et internationales, pour élaborer les lignes directrices nationales sur l’autosoin. En outre, nous avons participé à la série 2021 Self-Care Learning and Discovery Series du Evidence and Learning Working Group du Self-Care Trailblazer Group, qui renforcé la connaissance des approches prometteuses en matière d’autosoin.
Grâce à ce travail, PRB accélère la conversation sur l’importance d’étendre les directives de l’OMS et de les codifier dans les stratégies nationales de santé pour promouvoir l’autosoin. PRB présente des faits probants sur le potentiel de l’autosoin pour élargir l’accès aux soins de santé dans les régions où les systèmes de santé sont faibles ou inexistants, y compris les zones rurales et les régions confrontées à des conflits ou à des crises humanitaires. Nous défendons l’idée que l’autosoin durable nécessite une collaboration étroite entre les secteurs, notamment l’éducation, la jeunesse, les finances et la protection sociale.
Au Nigeria, les injectables font partie des méthodes contraceptives modernes les plus populaires auprès des femmes mariées.[ii] Pourtant, en 2018, dû à des obstacles persistants, une femme mariée sur cinq âgée de 15 à 49 ans qui souhaitait retarder ou espacer ses grossesses n’utilisait pas de contraception.[iii] PRB s’est associé à l’Association pour la santé reproductive et familiale (ARFH) pour cocréer un paquet de ressources de communication stratégique plaidant pour un DMPA-SC, un contraceptif auto-injectable, pleinement disponible grâce à la distribution communautaire.[iv] Une vidéo et une série de notes de politique propres à chaque État ont appelé les ministères de la santé à compléter les efforts au niveau fédéral pour introduire, déployer et étendre le DMPA-SC.
Le DMPA-SC permet aux femmes de s’auto-injecter facilement et discrètement là où elles vivent et travaillent, plutôt que de se déplacer jusqu’à un centre de soins. L’autosoin aide également les agents de santé « à être plus efficaces dans la prestation de services… [parce qu’ils peuvent] accorder leur attention à des patients plus critiques », explique le Dr Kehinde Osinowo, directeur général d’ARFH Nigeria. En fin de compte, l’autosoin est plus économique, tant pour les personnes que pour le système de santé. De fait, le DMPA-SC est très prometteur pour atteindre les objectifs FP2030 et améliorer l’accès à la planification familiale. L’ARFH a également soutenu le ministère de la Santé dans le déploiement de directives nationales d’autosoin en 2020, une réponse à la pandémie.[v]
En République démocratique du Congo (RDC), qui connaît l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde (473 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes), PRB a travaillé avec des partenaires de la province du Sud-Kivu, Solidarité avec les Victimes et pour la Paix (SOVIP) et le Groupe de Volontaires pour la Promotion de la Maternité Sans Risque (GVP-MASAR/RDC). Ensemble, nous avons traduit les données en messages pour les défenseurs afin de promouvoir un environnement politique favorable à l’accès à l’avortement médicamenteux.[vi] « Les inégalités des conditions de vie des populations sont un facteur social clé qui rend l’accès aux soins inéquitable », selon François Elungi (SOVIP) et Jess-Alfred Nondho Ombenny (GVP-MASAR/RDC).
La RDC a incorporé le Protocole de Maputo en 2018, élargissant effectivement les catégories pour lesquelles l’avortement sécurisé est légal dans le pays, mais sa mise en œuvre a été différée par le COVID-19 et la décentralisation, retardant la modification de la loi au niveau des provinces. A l’Est de la RDC, des décennies de conflit et de crises humanitaires, combinées à un système de santé faible et à des interruptions de service dues au COVID, ont entraîné des pics de violence sexospécifique, avec peu d’options pour les femmes pour prévenir ou interrompre une grossesse non désirée.[vii] Avec ces partenaires, PRB a cocréé des outils de plaidoyer qui soulignent les recommandations de l’OMS pour l’autogestion de l’avortement médicamenteux dans des contextes de stress élevé. Ces outils peuvent aider les femmes à accroître la demande de services tels que l’avortement médicamenteux, afin que « les filles et les femmes accèdent aux soins en toute confidentialité et sans stigmatisation aucune », affirment Elungi et Ombenny.
Les approches d’autosoin sont de plus en plus valorisées et se généralisent. PRB entend aider les partenaires, les gouvernements et les acteurs de plaidoyer à adopter des cadres d’autosoin et les promouvoir comme une solution politique transversale qui amplifie la résilience et répond aux défis de la durabilité. L’autosoins est intégralement lié aux soins de santé primaires et à la couverture sanitaire universelle ; le dialogue politique sur l’autosoin est essentiel pour permettre des améliorations et promouvoir la résilience des systèmes de santé.
Références
[i] Organisation mondiale de santé (OMS), Lignes directrices de l’OMS sur les interventions d’auto-prise en charge pour la santé et le bien-être, révision 2022 : résumé d’orientation (Genève, OMS, 2021).
[ii] Commission nationale de population du Nigeria (NPC) et ICF International, Enquêtes démographiques et de santé du Nigeria (EDS) 2013 (Abuja, Nigeria et Rockville, MD : NPC et ICF International, 2014) ; NPC et ICF International, Indicateurs clés de l’EDS Nigeria 2018.
[iii] NPC et ICF International, Indicateurs clés de l’EDS Nigeria 2018 (Abuja, Nigeria et Rockville, MD : NPC et ICF International, 2019).
[iv] DMPA-SC se réfère au depot medroxyprogesterone acetate sous-cutané.
[v] L’Association pour la santé reproductive et familiale, « Resilient & Accelerated Scale-Up of DMPA-SC/Self-Injection in Nigeria (RASuDiN) ».
[vi] Banque mondiale, « Ratio de décès maternel, Congo, Dem. Rep.».
[vii] UNICEF, The Impacts of COVID-19 Outbreak Response on Women and Girls in the Democratic Republic of the Congo, 2020, et Commission de l’Union africaine, ONU Femmes, Haut Commissariat aux droits de l’homme et UNFPA, Gender-Based Violence in Africa during the COVID-19 Pandemic,2020.